Déserts médicaux, remplacements d’une génération de médecins généralistes en péril... Quel élu, quel citoyen de notre territoire ne vit pas avec cette éventualité des plus anxiogène ? Infirmier anesthésiste, Jean Létoquart, premier adjoint au maire, confirme ce climat, statistiques à l’appui : «Il manque 250 médecins généralistes et 1000 spécialistes dans le Bassin minier pour être conforme au niveau national » avant d’enfoncer le clou : « au niveau de la communauté d’agglomération Lens-Liévin la surmortalité évitable est de 400 personnes par an » soit le statut de lanterne rouge au niveau national. Autre facteur à anticiper, palier les futurs départs en retraite.
Ce sera le cas des docteurs Degouge et Degryse avant la fin de l’année. Les deux médecins implantés à la République (environ 4000 habitants) ont, dès juin, averti la Municipalité de leur retraite imminente. Aussitôt Jean-Marc Tellier organise un tour de table avec l’Agence Régionale de Santé, Filieris (ex CARMI) le cabinet médical du Moulin et les deux praticiens. Plusieurs réunions plus tard, la solution se fait jour : Filieris s’engage à prendre la suite, deux médecins salariés et, cerise sur le gâteau, une infirmière et une secrétaire prendront leurs fonctions le 2 janvier prochain au dispensaire du 48 rue Paul-Eluard, ce que M. Degouge qualifie de « succession embellie ». Tous s’accordent à parler d’un « très grand travail d’équipe ». Il est vrai qu’une succession assurée ET renforcée, cela tient du luxe au regard de la conjoncture actuelle. Surtout lorsque M. Degryse constate que lorsque le kinésithérapeute installé non loin s’en est allé, moins de gens faisaient de la kiné. Tout est dit quant à la nécessaire proximité des acteurs de la Santé et leurs patients.
« Nous étions des médecins de famille de la République »
Singulière histoire commune que celle de Jean-Pierre Degouge et Gilles Degryse, tous deux originaires du Nord. Issus de la même promotion de la Faculté de Médecine de Lille, la proximité alphabétique de leurs patronymes les a rendu inséparables sur le cahier d’appel comme sur les tables d’examens. Au point – dans la foulée ils deviendront même beaux-frères - de s’installer tous les deux au 43 rue Paul-Eluard, succédant au docteur Hemery. A leur tour d’entrer dans l’histoire médicale du quartier. « J’ai soigné deux générations de gens, note M. Degouge, j’ai vu passer des parents puis leurs enfants sur une même balance ». Une balance qu’il exfiltrera en catastrophe avec d’autres matériels lors de la fameuse évacuation de la République. Nos deux médecins trouveront refuge quelques jours dans la Maison de l’Enfant Jacqueline-Poly. « Nous avons souvent joué la roue de secours vu que nous faisions la consultation libre » souligne le docteur Degryse avant que son compère et confrère n’insiste : « La République ne mérite pas son image, elle est très chaleureuse. Nous étions des médecins de famille de ce quartier. Et puis on soigne des gens qui deviennent nos amis. » Sachant qu’on ne lâche jamais les amis, les docteurs Degouge et Degryse peuvent se retirer l’esprit tranquille. C’était pourtant loin d’être une évidence.
La succession des médecins généralistes: encore pire dans le milieu rural
Jean-Pierre Degouge tient d'ailleurs à préciser: "Nous avons toujours gardé l'espoir, si minime soit-il, de trouver des médecins pour nous succéder et Il s'est concrétisé grâce à la force d'un groupe d'homme et de femmes: l'équipe de notre maire, Mr Tellier, Me Ribaucourt (FILIERIS), Me Bultez(ARS),Mr Dordain (pharmacien), le docteur De Plasse (notre remplaçante),et le Dr Héluain (FILIERIS)".
On peut facilement comprendre l'hommage rendu à cet acte collectif, reflétant des échanges menés avec intelligence. Et surtout avec un succès que leur envieraient bien des territoires ruraux. La succession des médecins généralistes est un problème majeur pour ces secteurs négligés sur le plan sanitaire. Et pour en prendre la mesure, nous ne pouvons que vous engager à regarder ce magnifique documentaire suivi d'un débat sur La Chaîne Parlementaire (LCP) ICI